Don d’organes : Pourquoi il est crucial d’en parler et de faire baisser le taux de refus
En France, toute personne est considérée comme donneuse d’organes par défaut. Mais la loi exige aussi que les équipes médicales s’entretiennent avec les proches pour connaître la volonté du défunt. Des proches qui dans plus de 30 % des cas s’opposent au prélèvement si le défunt ne leur en avait pas parlé avant. Avec 260 greffes par an, le CHRU de Tours est un des plus gros centres de greffes de France.
En France, 28 000 personnes sont en attente de greffe. À Tours, elles sont 660 sur liste d’attente. 550 pour une greffe rénale, 110 pour une greffe du foie. « Ce ratio augmente parce qu’on sait mieux greffer, on réalise des greffes sur des personnes de plus en plus âgées, on améliore plein de choses sur le conditionnement des organes donc effectivement on inscrit de plus en plus de personnes sur les listes d’attente de greffes », constate le Dr Jean-Christophe Venhard, médecin coordonnateur des prélèvements d’organes et de tissus du pôle anesthésie réanimations du CHRU de Tours.
« Il y a moins d’accidents de la route et tant mieux. Les donneurs sont surtout des victimes d’AVC ou de rupture d’anévrisme. Donc oui on manque de greffons, oui on manque de donneurs et c’est compliqué. Et la seule variante est de faire baisser le taux de refus qui est à plus de 30%. »
En France, « chaque individu est présumé donneur depuis la loi Caillavet du 22 décembre 1976 : un principe réaffirmé par la loi du 26 janvier 2016. » Mais la loi exige aussi que « les équipes médicales s’adressent aux proches pour recueillir l’opposition éventuellement exprimée par le défunt de son vivant. »
La seule solution pour faire baisser le taux de refus est d’en parler autour de soi
Lorsqu’un patient est déclaré en mort cérébrale en réanimation, le service de coordination des prélèvements d’organes et de tissus est appelé. Là, l’infirmier coordinateur vient confirmer la mort cérébrale, vérifier s’il n’y a pas de contre-indication au prélèvement (comme un cancer par exemple) et s’entretient avec les proches du défunt.
« L’entretien avec les proches sert à recueillir la position du défunt sur le don d’organes et pas à obtenir leur accord. C’est très important« , rappelle le Dr Venhard. « Le problème c’est que si le défunt n’en a pas parlé avant, dans plus de 30 % des cas, les proches s’opposent au prélèvement. Donc la seule solution c’est d’en parler autour de soi ».
Depuis 20 ans, le taux de refus des proches est de 33 %. « On se rend compte que si vous posez la question aux gens dans la rue, 85 % d’entre eux sont favorables au don d’organes. Mais une fois confronté à la mort brutale d’un proche, on ne raisonne plus de la même façon. C’est l’émotion, la tristesse, l’affect qui prend le dessus et c’est normal. Si vous en parlez avant, c’est une aide considérable pour les proches de pouvoir transmettre aux équipes médicales la position du défunt que ce soit en faveur ou que ce soit contre, le sujet n’est pas là. Le sujet c’est qu’il faut en parler. Car si vous leur avez donné votre position sur le don d’organes, ils respecteront votre volonté, » assure le médecin coordonnateur des prélèvements d’organes et de tissus du CHRU de Tours.
C’est encore un sujet tabou alors qu’il faudrait rendre honneur aux donneurs et aux familles
Dr Jean-Christophe Venhard, médecin coordonnateur des prélèvements d’organes et de tissus-pôle anesthésie réanimations CHRU de Tours.France 3 Centre-Val de Loire
Pour le Dr Venhard, le problème est culturel en France. « C’est encore un sujet tabou alors qu’il faudrait rendre honneur aux donneurs et aux familles. Il ne faut pas cultiver ce que j’appelle moi le suranonymat. C’est-à-dire qu’il faut que les gens soient fiers qu’un proche ait donné des organes, il faut communiquer autour de ça « , explique-t-il.
« Il faudrait en parler toute l’année dans les écoles, les lycées, les entreprises et pas une fois par an à l’occasion de la journée nationale. Le don d’organes sauve des vies et pour certaines pathologies c’est le seul traitement. Sans compter ceux qui voient leur quotidien considérablement amélioré comme les patients greffés du foie. Imaginez-vous devoir venir à l’hôpital quatre fois par semaine pendant deux heures et demie pour une dialyse, c’est terrible « , rappelle le Dr Venhard.
Des personnes transplantées ont pédalé ensemble entre Orléans et Tours pour sensibiliser le grand public
Du 14 au 16 juin 2023, patients greffés et soignants ont sillonné la région Centre-Val de Loire à vélo. L’occasion d’affirmer que « la greffe, ça roule » et d’alerter le grand public sur l’importance du don d’organes. À l’origine de cette initiative, l’association Réseau Centre Prélèvements d’organes et de tissus gérée par des soignants du CHRU de Tours.
Avec un départ à Orléans, une étape à Blois, une autre à Amboise, des haltes citoyennes aux châteaux de Chaumont et de Chenonceau, une rencontre avec des élèves d’une école de Bléré et une arrivée au CHRU de Tours, l’objectif était de profiter du parcours pour sensibiliser le grand public de chacune de ses villes de l’importance du don d’organes qui permet de sauver des vies.
C’était aussi l’occasion pour ces professionnels mobilisés de rappeler que la transplantation d’organes est un travail d’équipes. Dans chaque département, une coordination PMO (prélèvements multi-organes) travaille auprès des familles et des patients pour assurer le plus grand nombre de prélèvements afin de parvenir à transplanter le plus possible de patients en attente.
Chaque année au CHRU de Tours, 50 prélèvements d’organes en moyenne sont pratiqués et 260 greffes réalisées. Quand un patient est en mort cérébrale, l’équipe médicale a 24 heures pour prélever les organes. L’âge n’est pas une contre-indication. La moyenne d’âge des donneurs aujourd’hui est de 57 ans